Et maintenant… quoi ?
L’économie mondiale traverse la période la plus “bizarre” qu’elle ait jamais connue au cours de l’histoire humaine. Les gouvernements gèrent les défis planétaires qui surgissent depuis ces dernières décennies avec des degrés variables de réussite, ou d’échec, suivant la perspective que vous choisissez.
Nous avons donc d’un côté les systèmes économiques et politiques qui nous gouvernent et, de l’autre, des milliards de personnes : nous. Certains, de plus en plus, se mettent à réfléchir, individuellement et collectivement à ce tournant de civilisation qui s’impose à nous. La question que je pose ici est : comment contribuer à une transition rapide et bénéfique ? Je définirai plus bas ce qu’il faut entendre par bénéfique.
Tout événement catastrophique, qu’il soit lié à l’environnement, à une guerre, à l’économie, etc., change la donne. Je suis certain que vous pouvez penser à plusieurs de ces “game changers”, y compris comment les dinosaures ont disparu de la surface de la planète. Au cours de l’histoire récente, la différence principale entre le Covid-19 (rassurez-vous, je ne mentionnerai le terme qu’exceptionnellement) et les autres événements est que les seules catastrophes vraiment globales étaient financières. Les autres événements : guerres, attaques terroristes ou catastrophes naturelles étaient géographiquement délimitées même si leurs effets étaient perçus globalement.Ce qui définit un “game changer”, c’est qu’il y a un “avant” et un “après”. L’ “avant”, c’est en réalité maintenant. Nous y reviendrons dans le prochain chapitre. C’est un système qui ne parvient plus à faire face aux exigences du moment. Nous verrons en quoi et pourquoi il est incapable de résoudre les problèmes qui se posent aussi bien individuels que collectifs et planétaires.
L’ “après”, c’est aussi maintenant. Ce sont une multitudes d’initiatives, le plus souvent inconnues de la majorité, qui “fleurissent” de par le monde et répondent aux exigences du moment. On ne les voit pas ou presque pas mais elles sont de plus en plus nombreuses. Nous verrons comment elles naissent et les problèmes qu’elles doivent affronter pour exister.
Ces problèmes sont nombreux car, au même titre que l’eau ne se mélange pas avec l’huile, le système en place n’est pas ”équipé” pour les accueillir et les soutenir. Parfois, même si ces initiatives sont clairement bénéfiques, elles vont contre les intérêts de ce système encore en place. Considérons ce changement de donne depuis différentes perspectives.
Personnel : l’expérience
Au plan personnel, de plus en plus d’entre nous ressentent cette incohérence que représente un système lancé sur sa propre inertie mais qui va dans le mur et risque de nous entraîner dans sa perte. La nécessité impérieuse d’un changement est perçue par un nombre croissant. Ce n’est plus une constatation mentale, c’est une vérité qui s’impose.
Cette expérience, cette transformation devra être exprimée, verbalisée. Nous sommes des êtres sensibles, et ce qui ne s’exprime pas s’imprime. Par conséquent, soit nous prenons notre place, soit nous courons le risque de nous rembarquer dans une croisière silencieuse vers… nulle part.
De cette prise de conscience va émerger quelque chose d’extraordinaire : l’opportunité d’un futur non pas basé sur la peur, le manque et la dévastation, mais sur une société humaine en harmonie avec l’environnement. Il faudra partager cela aussi, et pas seulement les peurs et les contraintes. Sur le plan individuel, les gens devront partager leur expérience. Nous verrons comment ces partages peuvent prendre place et vers quelles possibilités ils déboucheront.
Il y a bien sûr des opposants. Ces personnes sont le plus souvent dans le déni et cherchent surtout à tourner le dos à leurs propres peurs, à ne pas regarder la réalité en face. Elles chercheront à rester dans l’agitation et l’activité pour diluer ces peurs. Ne tombez pas dans ce piège.
Organisation : le sens
Il est important d’échanger sur la raison pour laquelle nous faisons ce que nous faisons, aussi bien au niveau des équipes que des différentes couches des l’organisation avec lesquelles nous interagissons. Cela mènera à envisager sous un jour nouveau ce qui doit être fait et comment. Il s’agit de conversations profondes qui nécessitent une écoute de qualité, et il faudra prendre le temps.
Soyez prêts à découvrir de multiples raisons pour voir les choses différemment. Cela passe par une autre manière d’aborder les problèmes qui se posent à nous et cela nécessite la mise en place d’une manière de penser débarrassée des “mauvaises habitudes” que le système en place à développé au cours des dernières décennies, en particulier dans la manière de communiquer.
Sous l’angle collectif et organisationnel, c’est une opportunité. Au-delà de la raison pour laquelle nous accomplissons notre travail, il faut chercher le sens. Qu’est ce qui a du sens et qu’est ce qui n’en a pas, ou plus ? Si vous voulez faire partie de ce changement de donne, rappelez-vous que continuer à faire la même chose en espérant un résultat différent est une définition de la folie.
Toujours au plan collectif, poser des questions significatives et recevoir des réponses porteuses de sens est une belle opportunité de créer de nouvelles perspectives et donc de nouvelles réalités. Les questions sont nombreuses et vous saurez naturellement lesquelles poser. N’abandonnez pas ces questions tant que vous n’avez pas de réponses significatives. La bureaucratie, les routines destructrices, les mauvais comportements et le management dysfonctionnels seront mis en danger et vont se défendre par tous les moyens. Ne lâchez rien.
Planète : mettre fin à l’absurdité
Le dernier niveau de perspective est celui de la planète. Il y a encore quelques décennies, ce niveau n’était même pas envisageable, il était en dehors de notre domaine de perception. Il est maintenant évident que la planète fait “partie du jeu”.
Une fois de plus, parler de sauver notre futur sur la planète et ne rien faire pour mettre à terme à la destruction est absurde. Nous devons mettre un terme à cette absurdité et, comme nous le verrons tout au long des chapitres qui suivent, nous sommes aujourd’hui en mesure de le faire. Cela commence donc au niveau individuel en exposant votre perspective et en posant des questions porteuses de sens.
Pensez à votre travail, à ce que vous faites. Est-ce bon pour vous ? Je connais des gens qui ont une vie professionnelle horrible mais bénéficient d’un salaire confortable. Cela a t’il du sens ? Chacun pourra avoir une réponse différente.
Le muscle de la satisfaction reportée que l’on nous fait travailler à juste titre depuis l’enfance s’est-il développé au delà des limites saines au point que les peurs qu’il engendre nous empêchent de vivre dans le moment présent ? Il est utile de penser à notre futur et à celui de nos proches, mais si cela doit se faire au dépend de passer du temps précieux avec ceux que nous aimons, il faut se poser la question de savoir si cela vaut vraiment le coup. La vie, c’est maintenant.
Ensuite vient la question de la soumission. A quoi et à qui vous soumettez vous ? Il est facile de se soumettre à une idée, un système de croyance ou une autorité extérieure, et cela a souvent du sens. Mais qu’en est-il lorsque cette soumission dépasse sa date de péremption ou se transforme en esclavage ? Il est aussi facile de dépasser la limite car le passage est le plus souvent inaperçu.
En pensée systémique (ce livre est en totalité fondé sur l’approche par les systèmes et la complexité) on utilise l’image de la grenouille dans la casserole pour décrire des schémas de comportement destructeurs. Les amphibiens sont des animaux à sang froid et l’histoire dit que si vous placez une grenouille dans une casserole et que vous chauffez l’eau, la grenouille sera cuite avant d’avoir pu s’en rendre compte. Où vous situez vous par rapport à l’autorité intérieure et extérieure ? Où en êtes-vous par rapport aux limites ?
Considérez ce que fait l’organisation pour laquelle vous travaillez. Nous venons de couvrir ce qui est bon pour vous, mais il faut également considérer le sens, le but de votre organisation. Est-ce uniquement pour l’argent ? Si c’est le cas, il y a forcément un problème. Dans “uniquement pour l’argent”, le mot qui compte est “uniquement” car, nous le traiterons plus en détail, “uniquement” l’argent ne va rien résoudre. Bien au contraire.
Conscience
Votre organisation est-elle consciente des différents écosystèmes avec lesquels elle interagit ? Par écosystème, il faut entendre non seulement l’environnement physique mais aussi l’environnement humain : les employés, les clients, utilisateurs et autres parties prenantes. La valeur réside dans les écosystèmes, pas dans ce qu’ils “fabriquent” et nous l’aborderons dans le chapitre sur la valeur. Le moment est venu d’avoir ces conversations. Elles n’auront lieu que si vous en êtes les initiateurs et initiatrices.
Si vous regardez d’un peu plus près, vous verrez que certaines organisations sont là simplement parce qu’elles le peuvent, mais n’apportent pas de valeur ajoutée en termes d’écosystèmes, voire contribuent à leur destruction. Ces organisations occupent simplement une case dans laquelle elles pouvaient rentrer. Elles ont saisi une opportunité sans se préoccuper des effets.
Ce type d’occupation a perdu tout son sens et finit par avoir des conséquences négatives sur des plans multiples. Nous savons depuis Darwin et Wallace que les espèces qui ne peuvent s’adapter à leur environnement finissent par disparaître. Or notre environnement opérationnel change à un rythme élevé et un grand nombre d’organisations ne pourront pas survivre. C’est une bonne nouvelle, car elles laisseront la place à d’autres, porteuses de sens.
Ce que fait votre organisation et la raison pour laquelle elle le fait sont-ils bénéfiques pour la planète ? Cette question est maintenant devenue essentielle. Il est devenu impossible de justifier de contribuer à une organisation qui n’est pas alignée avec la préservation de notre environnement planétaire.
Mais soyons réalistes, nous sommes au vingt et unième siècle et nous sortons de multiples décennies durant lesquelles nous avons brûlé toutes sortes de ressources comme s’il y en aurait toujours. Prenez en compte l’existant et considérez les tendances auxquelles vous pouvez participer. Votre perspective compte.
Nous avons maintenant un outil de mesure. Ce que vous faites doit être :
– Bon pour vous
– Bon pour votre organisation
– Et bon pour la planète.
Chacun de ces points doit être aligné avec les deux autres. Toutes les cases doivent être cochées, aucune ne peut rester vide. Aucune excuse, que cela soit la continuité du business, la conformité, “c’est comme ça qu’on a toujours fait” ou encore “on n’a pas de temps pour ça” n’est acceptable.
L’alignement entre ces trois points est la mesure du sens et du bien commun et individuel. Encore une fois, dorénavant, tout ce à quoi nous participons doit être bon pour nous, bon pour notre organisation et bon pour la planète.
Je vous souhaite de belles aventures pendant que vous changez le monde en lisant ce qui suit.
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Pour aller plus loin :
– Sur “la grenouille dans la casserole” : en espérant que personne n’a eu la mauvaise idée d’en faire l’expérience, il s’agit de ce que l’on appelle un archétype systémique. C’est en fait une description de la manière prévisible dont un système évolue vers son autodestruction. Nous y reviendrons dans un autre chapitre.
– La notion de “bon pour moi, bon pour mon organisation et bon pour la planète” est une adaptation du concept de triple performance (triple bottom line en anglais). Il s’agit d’un système d’évaluation comptable qui prend en compte les aspects sociaux, économiques et environnementaux d’une activité. Sur ce sujet, nous verrons au chapitre sur la valeur que la pensée qui gouverne la comptabilité moderne est issue d’une époque où l’extraction des ressources de la planète était un indicateur de performance.